mardi 26 juin 2012

Chanson de grand-père (extrait)


 
Dansez, les petites filles,
Toutes en rond.
En vous voyant si gentilles,
Les bois riront.
Dansez les petites belles,
Toutes en rond.
Les oiseaux avec leurs ailes
Applaudiront.
Dansez les petites fées,
Toutes en rond.
Dansez, de bleuets coiffées
L'aurore au front.
                         Victor HUGO

vendredi 8 juin 2012

L'amoureuse

















Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire. 
Paul  ELUARD  (1923)

Jaguar

Parfois, je suis un jaguar,
je cours par les ravins,
je saute par-dessus les rochers,
j’escalade les montagnes.

Je regarde au-delà du ciel,
au-delà de l’eau,
au-delà de la terre.

Je parle avec le soleil,
je joue avec la lune,
J’arrache les étoiles
et je les fixe sur mon corps.

En remuant la queue,
je me précipite dans l’herbe,
la langue dehors.

Humberto Ak’abal

Histoire de pieds

Pied gauche
Et pied droit
Sont très unis
Comme il se doit.



L’un ne peut
Sans l’autre
Marcher.

Pour avancer,
Pour reculer,
Pour courir
Ou bien danser,
Pied gauche
Et pied droit,
Sont toujours là
Quoi qu’il en soit !

Si l’un des deux
Est fatigué
Pendant que l’autre
Veut s’amuser,
Pas de tracas :

Pied gauche
Ou pied droit
Sans se soucier
Saute à cloche-pied !
Sophie ARNOULD

Les bulles de la limonade




Les bulles de la limonade
Se baladent, se baladent.
Les bulles de la limonade
Déambulent et batifolent,
Se bousculent et dégringolent
Dans ma bouche,
Dans mon nez,
Dans ma gorge,
Dans mon ventre.
Les bulles de la limonade,
Pour finir leur promenade,
Déguerpissent en débandade.

Hélène BENAIT

Après le match de foot











Après ce match de foot,
Mon corps est en déroute :
L’omoplate comme une tomate,
Les genoux comme des cailloux,
Le cou mou comme un vieux chou,
Les oreilles comme l’oseille,
Les doigts de pieds écrasés,
Le nez vert, tout de travers…

Mais, c’est super :
On-a-ga-gné !

Claude Clément

La chèvre magique

La chèvre magique
A des tiques
Dans l'oreille gauche
Dans l'oreille droite
Et tic et tac
Et gratte et gratte
La chèvre magique
Se détraque



Andrée Chedid ("Lubies" - GLM, 1962  )

L'éponge


Une éponge
Songe
Songe
Songe aux songes
D'une éponge
Qui songe

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion,1972 et 1996)

La cervelle de papa

La sardine a des arêtes,
Papa n'en a pas !
Papa, lui, a un squelette,
Que la sardine n'a pas !
La machine a des ailes,
Papa n'en a pas !
Papa, lui, a de la cervelle,
Il dit que la machine, pas !

Andrée Chedid  ("Lubies" - Flammarion, 1962 )

La fourmi et la cigale


"Fini, fini !"
Dit la fourmi.
"Au diable la parcimonie ! Dès aujourd’hui
Je convie
Toutes cigales affranchies
A me chanter leurs mélodies,
Et nous fêterons, en compagnie,
La vie qui bouge,
La vie qui fuit !"


"Holà, holà !"
Fit la cigale
Poussant un cri très vertical.
"Pour moi, adieu le carnaval !
L’hiver, l’hiver m’a tant appris,
Et le souci tant rétrécie,
Que j’ai rangé toutes mes rêveries
Pour m’établir
En Bourgeoisie !"

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973 et 1996

Le Secret

D'où viennent-ils ?
Où vont-ils ?
Tous ces humains que cherchent-ils ?
Il court, il court, le Secret !
Et les hommes lui courent après !
Il est passé par ici,
Il repassera par là.

C'est comment, c'est quoi la vie ?
Bien malin qui le dira !
Elle est passé par ici,
Elle repassera par là.
Il court, il court, le Secret !
Et les hommes lui courent après !

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973 et 1996)

Le rire


Le rire
Pour rire
Quitta les hommes
Ce fut navrant
Fallait voir comme
Mais le rire
Bonhomme
Regagna son "home"
Riant riant

De voir comment
Un homme sans rire
N'est plus un homme

 Andrée Chedid

vendredi 13 avril 2012

L'Exploit




"Rien qu'avec mes mandibules",
Dit la fourmi toisant Hercule,
"Je déplace vingt fois
Mon poids !"

"Et c'est Toi !
Qui te dis le Roi !"



Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973)

lundi 2 avril 2012

Pavane de la virgule


" Foin, de tout ce qui n'est point le point ! "
Dit le Point, devant témoins.
" Sans Moi, tout n'est que baragouin !

"Quant à moi !" dit la Virgule,
j'articule et je module ;
Minuscule, mais je régule
Les mots qui s'emportaient !

J'ai la forme d'une Péninsule ;
A mon signe la phrase bascule.
Avec grâce je granule
Le moindre petit opuscule.

Quant au Point !
Cette tête de mule
Qui se prétend mon cousin !

Voyez comme il se coagule,
On dirait une pustule,
Au mieux : un grain de sarrasin.

Andrée Chedid


Dans Paris il y a une rue ;
dans cette rue il y a une maison ;
dans cette maison
il y a un escalier ;

dans cet escalier
il y a une chambre ;
dans cette chambre
il y a une table ;
sur cette table
il y a un tapis ;

sur ce tapis
il y a une cage ;
dans cette cage
il y a un nid ;
dans ce nid
il y a un œuf ;

dans cet œuf
il y a un oiseau.

L'oiseau renversa l'œuf ;
l'œuf renversa le nid ;
le nid renversa la cage ;

la cage renversa le tapis ;
le tapis renversa la table ;
la table renversa la chambre ;

la chambre renversa l'escalier ;
l'escalier renversa la maison ;
la maison renversa la rue ;

la rue renversa la ville de Paris.

Paul Eluard

L’onomatopée



Lolo,
Nono,
Mama,
Topée !
C’est pas possible à prononcer !

Glou-glou
Tic-tac
Do-do
Pé-pé
Tout ça
C’est de l’O
NOMATOPEE

Lolo,
Nono,
Mama,
Topée !
Un mot à vous rendre toqué !

Cui-cui
Chut-chut
Boum-boum
Yé-yé
Voilà des O
NOMATOPEE !

Lolo,
Nono,
Mama,
Topée !
Pourquoi vouloir tout compliquer !

Andrée Chédid

Interview d'Andrée Chedid

Andrée Chedid est née au Caire, en 1920, de parents libanais, « une famille cosmopolite ». A 16 ans, elle écrit déjà de la poésie, « comme ça, c'est venu tout seul ! ». En 1946, elle s'installe à Paris, avec mari et enfants.

Depuis, elle couche sur ses feuillets gribouillés des histoires de guerre et d'amour, de peine et de bonheur. Elle brasse le monde, interroge le temps, la vieillesse, affronte la bêtise, chante la joie, clame la réconciliation.

Andrée Chedid est une indécrottable optimiste. Elle puise sa foi chez « les gens ». Les raconter, les écrire, c'est, pour elle, leur donner l'éternité.

Cette infatigable optimiste est décédée en 2011 à Paris à l'âge de 90 ans.

Article paru dans Télérama le 14 octobre 2000

(…)

Vous écrivez en français ?
Je parle trois langues : l'arabe, l'anglais, le français. Mon premier recueil de poésie, je l'ai écrit en anglais. Il me semblait plus apte à jouer avec les mots. Ensuite, j'ai toujours utilisé le français : j'aime sa clarté, sa précision. Il éclate. Le fait d'être femme et orientale me donne un excès de sensibilité [rires]. Passer par le cristal de la langue française m'oblige à la rigueur. Mes feuillets sont couverts de corrections de toutes les couleurs. Ensuite, je saisis les textes sur un ordinateur. Il en fait souvent à sa tête, mais je l'insulte ! Je navigue sans cesse dans les dictionnaires, mieux qu'un voyage, ils offrent la liberté.

La liberté ?
D'aller d'un mot à l'autre, d'une émotion à l'autre, d'un monde à l'autre.

Et vous, vous avez toujours été libre...
La liberté, chez moi, c'est un instinct. Je fuis les catégories, j'ai horreur des étiquettes. Je n'ai jamais eu d'obligations, j'ai toujours écrit ce que je voulais, quand je le voulais. Je n'ai jamais eu à souffrir de l'emprise familiale ou des modes de pensée. J'ai eu cette chance d'être libre. Mes parents étaient divorcés, et cela, sans doute, a forgé mon esprit d'indépendance. Si l'on est enraciné dans son milieu d'origine et ce jusqu'à la fin de sa vie, on est comme agrippé par un lierre qui enserre, étouffe. On se prive des richesses du monde. Et on ne peut pas être soi

Et le goût d'écrire ?
Non, ça c'est venu tout seul. Je ne suis pas une lectrice acharnée. J'ai une culture moyenne [elle sourit]. J'ai un esprit pas très logique [elle éclate de rire]. Mais j'ai la passion de vivre. Je saisis les choses, comme ça, par brassées, les visages, les gens. Je suis bouche bée devant les gens.

(…)

Transformation…


Capo 2 (C / A / D / Dm)


Les poissons ont des écailles et les crocodiles aussi
Les serpents ont des écailles et pour moi, ben j’en ai aussi !
Les oiseaux ça a des ailes et les dragons dans les contes aussi ;
N’oublions pas les pipistrelles
Et quand je joue j’en ai qui pousse aussi…

Aïe aïe aïe que ça fait mal de se transformer en animal.
Du soir au matin je gratte pas mal, j’ai le petit doigt qui s’emballe…

Les sauterelles ont des antennes et ma p’tite radio aussi
Les martiens ont des antennes et pour moi, ben j’en ai aussi !
Les chiens, les chats ont tous des poils et les pinceaux, ils en ont aussi…
Les loups garous ont pleins de poils, et quand je joue j’en ai qui pousse aussi…

Aïe aïe aïe que ça fait mal de se transformer en animal.
Du soir au matin je gratte pas mal, j’ai tous les doigts qui s’font la malle…

La bip / 2012

mardi 24 janvier 2012

Mon ami le lit

J’ai de la peine :
Il m’offre son matelas de laine.
Je suis heureux
Je me roule en son creux moelleux.

Mon meilleur ami,
C’est mon lit.
Il est plein d’attentions pour moi.
- Les draps ne sont-ils pas trop froids ?
Veux-tu une autre couverture ?
L’oreiller n’est-il pas trop dur ?

Oh ! non, c’est doux.
Je m’endors, j’oublie tout,
Je vais rêver…
…Et l’on s’étonne que j’aie du mal à me lever !

Michel LUNEAU


lundi 16 janvier 2012

PAS UN TOMBEAU

Mon père à ma mère « bobonne » c’est pour rire même si.

Mon père ignorant tout de l’aspirateur du mixer des machines à laver à coudre.

Mon père tut tut tut trois coups de klaxon le soir on descend au garage en courant en pyjama pousser la lourde lourde lourde porte on n’est pas trop de trois « et allez vous coucher maintenant » on dîne pas avec lui c’est trop tard on a déjà dîné.

Mon père il dit pas klaxonner il dit « corner je corne tu cornes » il corne ses trois coups de corne tut tut tut.

(…)

Mon père pas mis un slip de bain un boxer-short depuis quarante ans je crois.

Mon père savon à barbe jamais vu barbe à papa non plus rasoir électrique toujours fête foraine jamais.

Mon père paysan son rateau sa fourche à neuf dents son couteau son
sécateur ses trois berouettes son pantalon plein de résine de sapin.

Mon père bibliophile relié tout Corneille tout Marivaux tout Maupassant tout Nerval
à moi cadeau pour un Noël tout Balzac.

Mon père « tiens les vents ont tourné ils sont au nord on va avoir du beau temps ».

Mon père à 79 ans s’ennuie toujours en visite vient déjeuner avec sa tronçonneuse :
« Vous avez bien trois-quatre arbustes à ziguenailler dans le jardin, non ?

Bernard Bretonnière
extrait de « Pas un tombeau »
Le dé bleu, 2003

Le voilà

Il a le nez tout rouge comme un alcomique
Des mains très grandes pour mettre des baffes très grandes
Des cheveux verts pour avoir des cheveux verts
Un œil rond
Et pas moi aussi
Il fait l’andouille
Le crétin
L’imbécile
Il marche sur ses pieds
Renverse des seaux
Il a même une fleur qui fait pipi
Il casse des assiettes pour rire et ça fait des morceaux quand même
Et pas moi aussi.
Quand je fais tout ça
Le crétin d’imbécile d’andouille
Le casseur d’assiettes
Le marcheur sur ses pieds
L’œil rond
Les baffes très grandes
Les cheveux verts et le nez rouge
Arrête ton cirque dit papa
Alors le clown dans mon nez
Mes cheveux mes mains
Mon œil
Le clown rigole
Car pas lui aussi

Gérard Bialestowski
« Les poète et le clown » Motus, 1997


MON PEPE

Il s’en va
en mobylette
avec la petite carriole accrochée derrière
et deux ou trois bidons
à lait vides dedans ;
sur la route qui descend vers le soleil
couchant
tout orange,
on dirait vraiment
un cow-boy agricole

C’EST MON PEPE !

Jean-Pascal Dubost
extrait de « Les quatre chemins »
Cheyne, 2003

Hymne des objets ménagers


Nous sommes objets,
Objets quotidiens.
Sages et rangés,
Satisfaits d'un rien.
On nous époussette,
On se sert de nous.
Lampes, allumettes,
Tapis et bijoux,
Balais et fauteuils,
Rideaux et miroirs,
Objets sans orgueil
Du matin au soir,
Nous servons les hommes
Très utilement.
Fidèles nous sommes
Tout le long de l'an.

Claude Roy




CLARISSE


Clarisse, c’est beaucoup de chocolat
autour de la bouche, mal habillée et
mangeant tout ce qui est bon, c’est-à-
dire ce qui est un peu plus cher que
les choses ordinaires. L’Orangina, les
bonbons, les glaces et le chocolat
pâtissier que l’on avait réservé pour un
gâteau. Voilà, après son passage il reste
un peu de cacao sur ses babines mais
dépêchez-vous, dans une ou deux
minutes elle aura tout léché.

David Dumortier
extrait de « La Clarisse »
Cheyne, 2000

La maison

Dans ma maison y’aura
Un grenier pour les rats

Dans la cave un crapaud
Oublié par le temps

Sur le toit un drapeau
Docile à tous les vents

Dix chambres pour aimer
De toutes les manières

Vingt boîtes à musique
Qui joueront le même air

Des divans d’apparat
Des secrets à tiroirs

Des escaliers plongeant
Au fond de vieux miroirs

Et de longs corridors
Répercutant les pas

Mais je n’y serai pas

Marcel Béalu

Vaisselle cassée




Savez-vous casser la vaisselle à maman
Voilà voilà comment on s'y prend
La toute première fois, on hésite un peu
Quand on a pris le coup, c'est marrant comme tout !


On pose une assiette sur une autre assiette
Puis de plus en plus jusqu'à ce qu'y en ait plus
La pile sur la tête, on enlève la main
Puis on lève un pied en chantant ce refrain

Vaisselle cassée, c'est la fessée, vaisselle foutue, panpan cucul
Vaisselle cassée, c'est la fessée, vaisselle foutue, panpan cucul

Savez-vous casser la vaisselle à maman
Voilà voilà comment on s'y prend
Sur le plan musical, sachez mes petits
Qu'avec du cristal, c'est bien plus joli
Vous posez un verre sur un autre verre
Puis de plus en plus jusqu'à ce qu'y en ait plus
La pile sur la tête, on enlève la main
Puis on lève un pied en chantant ce refrain

Refrain

Savez-vous casser la vaisselle à maman
Voilà voilà comment on s'y prend
Pour la deuxième fois, Papa s'est fâché
C'est vrai qu'la vaisselle, c'est pas bon marché
Prenez dans l'armoire un bocal de poires
Puis un vase de Gien s'il reste plus rien
La pile sur la tête, écartez vos mains
Puis levez une gambette en chantant ce refrain

Refrain
(Pierre PERRET)

« La chalonnaise »


Vous les enfants dans la cité
Un jour c’est vous, qui choisirez !
Aujourd’hui, de la poésie,
Demain pour choisir votre vie,
Oui, demain pour choisir votre vie.
Préparez–vous dans vos écoles,
A vivre une campagne folle !
Des textes nous viendrons vous lire,
C’est à vous d’entendre et de choisir.

Aux urnes, écoliers !
Ecoutez, choisissez !
Votez, votez !
Qu’une poésie
Par vous, soit bien choisie !

La B.I.P (d’après R. de Lisle)

Écouter la chanson : ici