vendredi 13 avril 2012
L'Exploit
"Rien qu'avec mes mandibules",
Dit la fourmi toisant Hercule,
"Je déplace vingt fois
Mon poids !"
"Et c'est Toi !
Qui te dis le Roi !"
Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973)
lundi 2 avril 2012
Pavane de la virgule
" Foin, de tout ce qui n'est point le point ! "
Dit le Point, devant témoins.
" Sans Moi, tout n'est que baragouin !
"Quant à moi !" dit la Virgule,
j'articule et je module ;
Minuscule, mais je régule
Les mots qui s'emportaient !
J'ai la forme d'une Péninsule ;
A mon signe la phrase bascule.
Avec grâce je granule
Le moindre petit opuscule.
Quant au Point !
Cette tête de mule
Qui se prétend mon cousin !
Voyez comme il se coagule,
On dirait une pustule,
Au mieux : un grain de sarrasin.
Andrée Chedid
Dans Paris il y a une rue ;
dans cette rue il y a une maison ;
dans cette maison
il y a un escalier ;
dans cet escalier
il y a une chambre ;
dans cette chambre
il y a une table ;
sur cette table
il y a un tapis ;
sur ce tapis
il y a une cage ;
dans cette cage
il y a un nid ;
dans ce nid
il y a un œuf ;
dans cet œuf
il y a un oiseau.
L'oiseau renversa l'œuf ;
l'œuf renversa le nid ;
le nid renversa la cage ;
la cage renversa le tapis ;
le tapis renversa la table ;
la table renversa la chambre ;
la chambre renversa l'escalier ;
l'escalier renversa la maison ;
la maison renversa la rue ;
la rue renversa la ville de Paris.
Paul Eluard
L’onomatopée
Lolo,
Nono,
Mama,
Topée !
C’est pas possible à prononcer !
Glou-glou
Tic-tac
Do-do
Pé-pé
Tout ça
C’est de l’O
NOMATOPEE
Lolo,
Nono,
Mama,
Topée !
Un mot à vous rendre toqué !
Cui-cui
Chut-chut
Boum-boum
Yé-yé
Voilà des O
NOMATOPEE !
Lolo,
Nono,
Mama,
Topée !
Pourquoi vouloir tout compliquer !
Andrée Chédid
Interview d'Andrée Chedid
Andrée Chedid est née au Caire, en 1920, de parents libanais, « une famille cosmopolite ». A 16 ans, elle écrit déjà de la poésie, « comme ça, c'est venu tout seul ! ». En 1946, elle s'installe à Paris, avec mari et enfants.
Depuis, elle couche sur ses feuillets gribouillés des histoires de guerre et d'amour, de peine et de bonheur. Elle brasse le monde, interroge le temps, la vieillesse, affronte la bêtise, chante la joie, clame la réconciliation.
Andrée Chedid est une indécrottable optimiste. Elle puise sa foi chez « les gens ». Les raconter, les écrire, c'est, pour elle, leur donner l'éternité.
Cette infatigable optimiste est décédée en 2011 à Paris à l'âge de 90 ans.
Article paru dans Télérama le 14 octobre 2000
(…)
Vous écrivez en français ?
Je parle trois langues : l'arabe, l'anglais, le français. Mon premier recueil de poésie, je l'ai écrit en anglais. Il me semblait plus apte à jouer avec les mots. Ensuite, j'ai toujours utilisé le français : j'aime sa clarté, sa précision. Il éclate. Le fait d'être femme et orientale me donne un excès de sensibilité [rires]. Passer par le cristal de la langue française m'oblige à la rigueur. Mes feuillets sont couverts de corrections de toutes les couleurs. Ensuite, je saisis les textes sur un ordinateur. Il en fait souvent à sa tête, mais je l'insulte ! Je navigue sans cesse dans les dictionnaires, mieux qu'un voyage, ils offrent la liberté.
La liberté ?
D'aller d'un mot à l'autre, d'une émotion à l'autre, d'un monde à l'autre.
Et vous, vous avez toujours été libre...
La liberté, chez moi, c'est un instinct. Je fuis les catégories, j'ai horreur des étiquettes. Je n'ai jamais eu d'obligations, j'ai toujours écrit ce que je voulais, quand je le voulais. Je n'ai jamais eu à souffrir de l'emprise familiale ou des modes de pensée. J'ai eu cette chance d'être libre. Mes parents étaient divorcés, et cela, sans doute, a forgé mon esprit d'indépendance. Si l'on est enraciné dans son milieu d'origine et ce jusqu'à la fin de sa vie, on est comme agrippé par un lierre qui enserre, étouffe. On se prive des richesses du monde. Et on ne peut pas être soi
Et le goût d'écrire ?
Non, ça c'est venu tout seul. Je ne suis pas une lectrice acharnée. J'ai une culture moyenne [elle sourit]. J'ai un esprit pas très logique [elle éclate de rire]. Mais j'ai la passion de vivre. Je saisis les choses, comme ça, par brassées, les visages, les gens. Je suis bouche bée devant les gens.
(…)
Transformation…
Capo 2 (C / A / D / Dm)
Les poissons ont des écailles et les crocodiles aussi
Les serpents ont des écailles et pour moi, ben j’en ai aussi !
Les oiseaux ça a des ailes et les dragons dans les contes aussi ;
N’oublions pas les pipistrelles
Et quand je joue j’en ai qui pousse aussi…
Aïe aïe aïe que ça fait mal de se transformer en animal.
Du soir au matin je gratte pas mal, j’ai le petit doigt qui s’emballe…
Les sauterelles ont des antennes et ma p’tite radio aussi
Les martiens ont des antennes et pour moi, ben j’en ai aussi !
Les chiens, les chats ont tous des poils et les pinceaux, ils en ont aussi…
Les loups garous ont pleins de poils, et quand je joue j’en ai qui pousse aussi…
Aïe aïe aïe que ça fait mal de se transformer en animal.
Du soir au matin je gratte pas mal, j’ai tous les doigts qui s’font la malle…
La bip / 2012